mercredi 11 novembre 2015

Art et Sciences #6 Lumières, réflexions et projections

Si l'on note n le nombre de billets publiés ici dans la rubrique "Art et Sciences", alors on peut aisément retrouver le nombre b de brouillons d'articles qu'il me reste à publier dans la même catégorie, donné par b  = 3n². C'est pourquoi ce lumineux épisode est un peu plus long que les précédents ; il a été couvé pendant plus de 6 mois. Il est consacré aux œuvres numériques projetées sur des visages, des monuments ou des bâtiments. Psychédéliques, poétiques et esthétiques, ces créations explorent tout un nouveau champ de possibilités. Bonne lecture : )

Réflexion et réflexions : Patterns of Harmony, de Gaspar Battha

Dans cette œuvre inspirée d'une vision un tantinet romanesque de la physique quantique, l'artiste berlinois Gaspar Battha explore l'origine de la géométrie. L'installation utilise des miroirs sur lesquels sont projetés des faisceaux lumineux animés, qui recréent des cubes et d'autres formes.
L'installation de Patterns of Harmony, de Gaspar Battha
Sur la page de description de la vidéo (en anglais), on peut se faire une idée de la démarche de l'artiste, que je tente de traduire ici :

"L’œuvre se concentre sur toute l'étrange beauté de la nature, explore les concepts bien au-delà de la perception de l'esprit humain et tente de les traduire en une forme spatiale unifiée. L'objet physique est un fractal de cubes, bien qu'il ne contienne aucun cube physique, seulement des réflexions et des projections de cube." Comprenne qui pourra cette dernière phrase.
Patterns of Harmony, de Gaspar Battha (détail)
On peut également lire, sur le site web de l'artiste :

"Quelle que soit l'échelle à laquelle on observe la nature, nous retrouvons des formes récurrentes et familières, comme des sphères, des triangles, des pentagones, ou une combinaison de ces formes.
Nous utilisons ces formes comme des outils conceptuels pour définir la réalité, et pouvons dès lors les considérer comme les "briques de construction" de l'univers. Mais la façon dont nous percevons l'espace et les objets découle-t-elle de l'univers lui-même ou n'est-ce qu'une illusion produite par le système sensoriel humain ? Patterns of Harmony cherche à répondre à cette question en parcourant la beauté élémentaire de notre nature, en allant bien au-delà de la perception de l’esprit humain : une expérience hypnotique, comme un fractale d'illusions, exhibant des formes mouvantes faites de lumière et de réflexions qui (ne) sont (pas) vraiment là."

Pour moi qui suis toujours aussi snob, l'explication me semble naïve et ambitieuse, mais je trouve ça très beau quand même :)

Le Face Hacking ou le maquillage numérique d'OMOTE

Le Face Hacking ou le maquillage numérique d'OMOTE
Ici, l’œuvre est une sorte de maquillage animé en réalité augmentée, produite par toute une équipe de techniciens et d'artistes. Tout commence avec du face mapping, comme dans les films ; de petits points bleus servent de repères un à ordinateur relié à une caméra et à un projecteur. Puis, une image animée est projetée sur le visage, en s’adaptant à sa morphologie. Lorsque la personne tourne ou incline la tête, la projection suit ! Le résultat est fascinant/effrayant.
Face Hacking - OMOTE
Face Hacking - OMOTE

Le Building Hacking de Romain Tardy

Romain Tardy, c'est un peu OMOTE version urbaine, avec de la musique en plus et les contraintes d'un support vivant en moins. Il a commencé en faisant du vjing : de la projection d'images en temps réel, en accompagnement de musique, le plus souvent électro. Puis il a remplacé les écrans par des bâtiments. Maintenant, il maquille les monuments avec des projections hallucinantes, avec ou sans DJ à ses côtés, aux quatre coins de la planète. L’œuvre ci-dessous a été installée à Toulouse fin 2012 et projetée sur la façade du Musée Archéologique.

Comme son nom l'indique, elle trouve son origine dans la représentation païenne, et plus précisément celle d'une "tête de statue bacchanale du 3ème siècle après JC". L'artiste s’intéresse notamment au polymorphisme caractéristique des divinités gréco-romaines. Pour en savoir plus sur ce jeune garçon plein d'avenir et son travail, on peut lire cet article.
Pieces / Battleships de Romain Tardy

Les pavages lumineux de Pablo Valbuena

Pablo Valbuena est un artiste d'origine espagnole qui s'amuse aussi avec les projections, à l'échelle d'une pièce ou d'une gare. Elles s'appuient sur la géométrie et les structures du lieu. Avant toute chose, précisions que si ce Valbuena a fait une sex-tape, elle doit faire mal aux yeux. Ensuite, j'avais déjà parlé de Pablo Valbuena dans le premier épisode de cette série. D'ailleurs je vous ressers la vidéo de son projet Augmented Sculpture :

La première fois que je suis tombé sur cette installation, c'était en marge du Festival Art Rock en 2008, et je suis resté planté devant au moins 40 minutes, complètement subjugué. Le concept m'a tout de suite plu : de ces formes élémentaires, Pablo Valbuena tirait une infinité de possibilités, de la plus évidente à la plus complexe, simplement avec de la lumière. Si je pouvais mettre un truc comme ça chez moi un jour !

L’œuvre ci-dessous, contrairement à la plupart de ses installations, ne se sert pas des volumes ; tout se passe au sol, sur du carrelage ou du parquet.
Time Tiling de Pablo Valbuena.
En 2014, pour la Nuit Blanche, Valbuena investit la future gare d'Austerlitz, alors en chantier, en imaginant un train lumineux possiblement impliqué dans des cas épilepsie. Dans le tunnel en construction, long de 500 mètres, l'effet de son kinematope est impressionnant. Ajoutez à ça le bruit, et l'odeur... Les lampes produisent en effet un claquement un peu stressant, et j'imagine que ça sentait bon les ampoules grillées au petit matin.
Kinematope de Pablo Valbuena

Sculptures Augmentées : 320° Licht d'URBANSCREEN.

Toujours dans le même esprit, cette installation de la société allemande URBANSCREEN projette sur les parois cylindriques du gazomètre d'Oberhausen une mosaïque animée et psychédélique. Le gazomètre, haut lieu de l'industrie allemande jusqu'en 1988, et haut lieu tout court avec ses 95 mètres, a été reconverti en lieu d'exposition culturel. Ses parois ne représentent pas loin de 20 000 m² de surface courbe, parfait pour une installation son et lumière à 320° ! Pour réaliser ce tour de force, URBANSCREEN a utilisé 21 projecteurs et au moins 10 kg de matière grise. Ici, les projections altèrent la structure du réservoir, en affichant sur les parois de motifs ondulants éphémères. Le but est d'amener le visiteur à la frontière entre le réel et virtuel.
Dans le même genre pharaonique, on peut admirer leur travail à l'Opéra de Sydney, un hommage à l'architecte Jørn Utzon :
That's all Folks, enfin pas tout à fait. En attendant les illuminations de noël, je vous laisse avec une dernière vidéo bonus : des extraits de Pixel, une création qui mêle projections et chorégraphies.

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