jeudi 16 août 2012

Qui décide de la notion de bien et de mal ?

Danae, par G.Klimt.
Question piège car la notion de bien ou de mal n'est pas vraiment scientifique. C'est nous, au sens large, en tant que société des Hommes, qui décidons de ce que sont le bien et le mal, que ce soit d'un point de vue philosophique, théologique ou moral. Petite sortie scientifique sur le terrain de l'éthique :

Nous sommes tous d'accord pour dire que tuer quelqu'un est mal. Ou pour penser que protéger quelqu'un est bien. Pourquoi ces valeurs sont elles universelles? Ces notions semblent découler de l'empathie. Sur wikipédia, on peut lire cette définition :

"L'empathie est une notion complexe désignant le mécanisme par lequel un individu (un animal dans le domaine de l'éthologie) peut « comprendre » les sentiments et les émotions d'un autre individu voire, dans un sens plus général, ses états mentaux non-émotionnels, comme ses croyances (il est alors plus spécifiquement question d'« empathie cognitive »)."



Si nous jugeons une action ou une attitude mauvaise, même si elle est dirigée vers autrui, c'est parce que l'on n'aimerait pas qu'elle soit dirigée contre nous et inversement. Je n'aimerais pas être tué et j'ai l'impression qu'il existe un consensus assez clair autour de la question: tuer est il mal ?
Cette façon de raisonner dépasse le cadre des l'espèce humaine. Certains animaux, comme les grands singes, sont capables d'empathie. Et nous pouvons aussi éprouver de la pitié ou de la peine pour des animaux dans des proportions qui dépendent, entre autres, de leur proximité génétique ou affective : c'est mal de tuer des phoques pour leurs fourrures mais c'est moins mal d'écraser une araignée. Cette distinction a une base scientifique, si cela peut vous rassurer : il est certain que le phoque ressentira la peur et la souffrance d'une façon similaire à ce que l'Homme peut ressentir, pas l’araignée. Dans une moindre mesure, un arbre arraché, une rivière polluée ou un monument historique en flammes provoquent aussi un sentiment analogue à l'empathie. Ainsi, au delà du rapport évident avec la souffrance et la peur, nous avons pris pour habitude de considérer que tout ce qui est potentiellement préjudiciable est mal, que ce soit gifler une mouette, crever les yeux de votre prof ou taguer la Joconde.

Mais le bien et le mal ne sont pas des notions figées : si vous êtes un Eskimo et que vous avez besoin de manger et de vous couvrir de fourrures pour survivre, alors tuer un phoque devient presque bien. Et si l’araignée est un spécimen rare qui ne présente aucun risque pour vous, alors la tuer est mal. Et puis tuer quelqu'un de mal est il bien ?

La question de ce qui est bien ou mal se complique et devient rapidement philosophique. Le débat est alors malheureusement biaisé par la religion ou les autres autorités morales, surtout si on commence à aborder des thèmes sensibles pour lesquels l'opinion populaire est plus divisée : l'avortement, la peine de mort, la prostitution, l’euthanasie, les cellules souches ou Mimi Mathy par exemple. Il est intéressant de remarquer que ce sont souvent les instances religieuses ou politiques qui tranchent dans ces derniers cas. Avec parfois certaines contradictions: le "tu ne tueras point" de la Bible est brandi contre l'avortement mais pas contre la peine de mort, la prostitution est tolérée mais pas légale, idem pour l'euthanasie..

On peut probablement s'accorder à dire que le mal est ce que l'on n'aimerait pas qu'on nous fasse et le bien ce qu'on aimerait qu'on nous fasse.. Et qu'il existe une multitude de conditions et de circonstances qui nuancent le bien et le mal.

Cet article gagnerait à être complété, mais je n'y reviendrai pas : on pourrait sans doute écrire un livre là-dessus. D'ailleurs, ils ont été nombreux à le faire ; de Cicéron à Nietzsche, en passant par les philosophes grecs et les éthologistes américains, vous aurez de quoi alimenter vos réflexions.

3 commentaires:

  1. Very interresting topic

    Maintenant que je me suis donné un peu de contenance en démarrant en anglais, je continue dans la langue de Molière !
    Sujet complexe à aborder sous l’angle scientifique isn’t it (Bon j’arrête) ! Je n’ai jamais lu Ciceron et les autres mais j’aimerais quand même partagé mon point de vue !
    Concernant le rôle de l’empathie, je suis d'accord cependant cette empathie et la conscience de l’autre au sens large sont plus ou moins marquées selon les individus à mon avis.
    Ex : Molester une personne jusqu’au sang est une mauvaise chose c’est un fait ! Mais si en prérequis cette même personne aurait emboutie votre nouvelle voiture volontairement, certains pourraient s’estimer en droit de molestage outrancier et irrévérencieux.
    Le degré d’empathie de chaque individu étant déterminé par son éducation en grande partie, autant dire qu’il y a quelques milliers d’années, l’éducation ne répondait à aucune norme. A mon sens, l’évènement majeur ayant déterminé la notion de bien et de mal telle que nous les connaissons aujourd’hui ce sont les religions (monothéistes). Bien entendu ces religions se sont appuyées sur la notion d’empathie perçue par l’être humain comme base. Mais elles ont joué selon moi un rôle essentiel en les rationnalisant et les déclarant « valeurs universelles ».
    Par la suite, ces valeurs sont rapidement devenues le socle de notre éducation et celui de la justice qui servira plus tard à mettre en prison les individus prêts à tuer pour une rayure sur leur caisse par exemple !
    Je sais qu’on est plus dans le domaine de l’anthropologie que de la science mais la faute à « Anonyme » qui a posé cette question… fort intéressante au demeurant !
    En tout cas j’espère avoir pas trop dit de bêtises!
    @+
    Rodolphe

    PS: Formidable cette peinture de Klimt!!!

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  2. C'est juste, l'évaluation du bien ou du mal est certainement influencée par le contexte quel qu'il soit. Mais faire quelque chose de mal en représailles ne nous empêche pas de savoir que c'est mal!

    Concernant la religion (monothéiste ou pas), il est certain qu'elle influence encore aujourd'hui notre idée du bien et du mal. Mais on ne peut pas dire qu'elle l’ait rationalisée, bien au contraire: Les actions "mauvaises" susceptibles d'engendrer la discorde sont certes pour la plupart citées dans les livres religieux (avec quelques oublis importants quand même comme le viol et la pédophilie!) mais les sociétés n'ont pas attendus la religion pour incorporer ces règles simples à la vie en société ("hé les mecs, si on ne se tuait pas? ça serait cool!") Ce sont les religions, qui ont longtemps été liées au pouvoir, qui ont incorporé ces règles. Et c’est une bonne chose dans une certaine mesure, car il est plus facile de faire respecter des règles quand on évoque une menace divine. Sans aucun doute, cela a permis de maintenir une certaine paix sociale (Dans ce domaine, la pax romana reste la référence, et ils avaient des dieux aux mœurs dissolues).

    De plus, les religions monothéistes considèrent comme mal ou bien une foultitude d'actions sans autre justification que le décret divin: l’homosexualité, le fait de prier un autre dieu, le fait de manger tel aliment ou même le fait d’utiliser l’électricité tel jour de la semaine est « mal ». Attendre le mariage pour avoir des relations sexuelles, être circoncis, convertir un non croyant ou jeuner pendant une période est « bien ». Et malheureusement, au nom de ces valeurs (loin d’être universelles), on a tué plus d’êtres humains qu’au cours des deux guerres mondiales. Et comme disait MC Solaar, j'étais le mâle et la femelle fait mal. Mais ça n'a plus aucun rapport.

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  3. Tu ne tuera point ... mais tu peux devenir soldat. Et heureusement avec ce statut tu pourras tuer.
    Et tu pourras tuer pour protéger ton pays.
    Et ton pays c'est la propriété du chef de ce pays !
    Tu pourras donc tuer pour protéger des biens matériels !
    Mais si ton pays a déclaré la guerre ...
    Alors tu pourras tuer pour voler des biens matériels !
    Etre soldat est donc fondamentalement mauvais car dans tous les cas cette fonction amène à tuer et cependant la société honore les soldats.
    Venons en à l'empathie. Un individu ne cesse de tuer, violer, blesser, maltraiter ... est-ce vraiment en manque d'empathie que de le massacrer à coup de bâton pour protéger les autres membres de la société ?
    Et puis aussi pour certaines religions le mécréant doit être combattu et s'il ne se plie pas à votre croyance il doit mourir ... et plus sa mort sera lente et horrible et plus il aura de chance d'aller au paradis et plus vous serez honoré ...
    Et puis aussi pour certaines civilisations certaines atrocités sont indispensables (excision, infibulation, circoncision, perçages divers) ou donc est l'empathie.

    Quand au vandalisme des œuvres d'art tout est relatif. En effet il s'agit de réalisations matérielles ou immatérielles de vues de l'esprit d'un individu ou d'un groupe restreint d'individus. Pour le non initié ou le non amateur cela n'a aucun intérêt. D'autant plus si le vandale est d'une autre civilisation, ethnie ou religion.

    J'aurais donc tendance à dire
    - Que fondamentalement l'humain est le mal.
    - Que fondamentalement l'empathie est l'exception et que tous les moyens sont mis en œuvre pour la contourner ou pour obliger à la neutraliser.
    - Que fondamentalement le mal est universellement rependu et le bien est très local.
    - Que fondamentalement la notion de mal relatif est très locale et que celle de bien relatif est universel.

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